VINCENT CORVEC, S’IL VOUS PLAIT

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Au concert de Belin, Corvec, c'était très bien. N'en déplaise aux aficionados de Bertrand, j'étais venue pour Vincent. Sachant que cette première partie à la Cité des Arts allait concentrer cinquante minutes de plaisir esthétique et acoustique. Pari tenu, magie absolue, les moldus sont sortis convaincus. Mesdames messieurs, Vincent Corvec s'il vous plait. 

PASSE L'HISTOIRE À LA PASSOIRE : Comment ça il n'y a pas d'histoire dans un concert de Corvec. D'abord, si tu n'as pas suivi la bio de notre iconoclaste fondu d'électro, clique ICI illico.

Tandis qu'il avait combiné, au Teat Plein Air, le graphique et l'électronique, cette nouvelle rencontre est encore plus envoûtante. On y trouvait de quoi s'élever, tant la rythmique fut hypnotique, ses visuels cosmiques, et le duo vocal érotique. Corvec est un ambigu. D'abord autodidacte, l'éclectique se forme ensuite au conservatoire, « histoire de comprendre le langage des violonistes » aussi bien que ses playlists. Paradoxal, notre homme cultive l'exigence et la décontraction à un degré qui dépasse  l'imagination. Dans ses concerts se côtoient, cordes et voix, flûte traversière, cathédrale de troncs et de lumières, vidéos en noir et blanc, kaléidoscope de paysages insulaires souvent lunaires, pureté, trouble, et suavité. 

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SOIS UN HÉROS, DÉCRIS LA SCÉNO : On comprend pourquoi les japonais amoureux d'épure sont ravis par la structure. Corvec, que l'Asie adore est un maitre du décor. Sur la plateau, c'est agencé au cordeau. Côté cour, le quatuor. Côté jardin, l'électro, claviers et Corvec au micro. En fond de scène, l'écran et ses vidéos. On y retrouve, comme survolée par un drone, une Réunion abyssale, monochrome, fantasmagorique bien loin des clichés exotiques. Par fragmentation et effets miroirs, forêt primaire, plages et mer sont diffractés, et le spectateur fasciné. C'est un appel au lâcher prise auquel vient s'ajouter une surprise. La présence magnétique de Marie Lanfroy, Mélusine divine dont la suavité vocale emballe. 

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ET TOI T'AS RESSENTI QUOI ?Une profonde décontraction, une démultiplication des sensations et de l'imagination. Corvec, qui nous incite à ne pas intellectualiser ce qu'il nous offre,  réussit l'exploit de faciliter l'accès à son univers onirique comme l'aurait fait un Rimbaud, en procédant à « un long, immense et raisonné dérèglement de tous « nos » sens. ». Comme s'il étirait les sons et les images,  sa musique semble distordre le temps. Il en résulte rapidement un état de transe, pour le spectateur voyant, touchant à la magie de la synesthésie.

CE QUI T'A MARQUÉ SANS T'ÉTALER : Un travail de forcené sous l'apparente facilité. Pour qualifier sa vision du boulot, Corvec cite volontiers Gainsbourg : « Que l'on aime ou pas, ce doit être inattaquable au niveau de la composition ». Instruments classiques, électroniques, vocaux et cinématographiques obéissent à Corvec qui pourtant, ne dirige pas. Je me demande encore comment il a réussi à caler tout ça. Presque nonchalant derrière son micro, il pose ses mots. Du travail magistral accompli, on ne perçoit que l'envoûtante harmonie. 

T'AS AIMÉ OU PAS, SOIS FRANC OU TAIS-TOI : Infiniment et pour plusieurs raisons. D'abord le plaisir immédiat de ce duo avec Lanfroy. Voilà deux voix qui se mêlent avec émoi, soufflant le chaud et le froid, pour deux présences scéniques complémentaires, l'un dans l'ombre, l'autre dans la lumière. Blondeur puissante et fascinante, répondant au timbre grave et intense. L'ado sceptique à mes côtés s'est immédiatement transformé : « C'est complètement envoûtant en fait ! ».

Ensuite pour la panoplie des mariages insolites, du classique et de l'électronique, de l'abstrait et du figuratif. Enfin pour l'esthétique. Humilité, brio et intensité, Vincent Corvec s'il vous plait. 

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Zerbinette

Merci à Christophe Devaud pour le crédit photo.