FAUT PAS POUSSER MANZI DANS LES (S)ORTIES

Tam Tam Festival, Électropicales, Souffle Océan Indien, Festival du Film de Femmes … toutes ces échéances festives pointent le bout de leur programmation mais comme Manzi est aussi impatient que les riverains de la Saline-les-Bains à l’approche des Francos, il s’est inventé sa propre kermesse pluridisciplinaire le week-end dernier. Bienvenue au Manzi Festival !

La première journée de mon marathon culturel débute jeudi 22 septembre avec la première représentation de Plus Grand que Moi de Nathalie Fillion - Cie Théâtre du Baldaquin. Pas évident pour la comédienne Manon Kneusé de fouler les planches du Théâtre du Grand Marché après le one-woman-show hilarant de Madame Fraize mais, comme dirait l’autre, ce solo anatomique « c’est d’la dynamique ». L’actrice incarne une jeune femme, Cassandre Archambault qui essaie de survivre dans ce monde hystérique en se recentrant sur son corps qui l’interroge et la rassure. La performance d’actrice, menée tambour pédalant, déploie une énergie forcément communicative. L’on passe franchement un bon moment à écouter cette rêverie délurée même si j’ai été un peu irrité par le ton quelque peu midinette de cette nymphette et les répétitions anaphoriques. Cette mise en bouche fut néanmoins revigorante pour démarrer mon Festival d’Avignon Off de La Réunion.

Vendredi 23 septembre, direction le Musée Stella Matutina pour Le Cas Woyzeck, une création locale mise en scène par Marjorie Currenti et portée par le Collectif AléAAA. Le peu que j’avais lu et vu (texte philosophique, rapport patriarcal, ambiance cafardeuse, féminicide, pièce inachevée et maintes fois adaptée) ne me disait rien qui vaille et pourtant que de trouvailles ! Sous ses airs de théâtre austère, cette pièce est un spectacle total. Les acteurs sont tous impeccables, capables de jouer, manipuler, danser et chanter. Alors oui c’est parfois un peu démonstratif mais ce n’est pas si courant de voir autant de talents au diapason, avec une mention spéciale au médecin aliéné. Comme le texte est très (trop) exigeant pour mon cerveau lent, je me suis laissé porter par le souffle musical et visuel, notamment ces tableaux avec des manipulations de la marionnette féminine aussi réalistes qu’oniriques et méticuleusement exécutés. Si l’action est censée se dérouler en Allemagne, la bande-son, la narration non linéaire et les multiples incarnations de Johann Christian Woyzeck ont provoqué chez moi des hallucinations Lynchiennes dans une ambiance baroque, me rappelant la série La Caravane de l’Étrange. Peut-être aussi que la touffeur de l’auditorium due à l’absence de climatisation a influencé mon O’Brother True Detective Psychotic Trip. Cette pièce rejoue le mercredi 12 octobre à Lespas dans le cadre du Festival Tam-Tam.

Samedi 24 septembre au Kabardock, cela devait être mon rendez-vous défoulatoire du second semestre dans cette salle amicale. Sûrement que j’attendais trop du concert d’Ausgang (contrairement au spectacle de la veille) et j’ai été franchement déçu. Rien à redire sur la radicalité du propos et le charisme de Casey mais c’est quoi cet accompagnement rock d’intello ? Du rap sublimé par une énergie rock, c’est pas nouveau surtout quand t’as eu la chance d’avoir 20 ans dans les années où émergeaient Rage Against The Machine, Body Count, Beastie Boys… Sauf qu’Ausgang, en voulant proposer quelque chose de plus innovant, a cassé la fureur de Casey. Avec ce son ouaté des instruments, j’avais l’impression d’écouter Zack De La Rocha s’époumoner pendant que ses musiciens jouaient dans les chiottes. Je veux bien entendre que le batteur, Sonny Troupé, est un tueur, qu’il joue à contretemps (môsieur vient du jaaaaazzzz) et que c’était trop attendu de faire du bon punk rock des familles sauf que cela s’est fait au détriment d’un accompagnement en accord avec ce radical énervement. Heureusement, comme Lékip Kabardock avait anticipé ma déception, le DJ résident Kwalud nous avait concocté une bonne sélection de rap/rock fusion.

Dimanche 25 septembre, après les 3 nems et les 3 litres de bière avalés la veille, difficile de se dire qu’on va pouvoir encore être émoustillé en plein après-midi par de la danse contemporaine, en l’occurrence Contemporary Dance 2.0 du chorégraphe Hofesh Shechter. Pourtant, ce sera bien ce dernier rendez-vous culturel du week-end qui restera le plus longtemps gravé dans mes tripes. À défaut de Total Danse cette année, on peut même se dire que ce spectacle est à lui seul un condensé de tout ce que le festival aurait pu nous proposer. Dans le genre fusion, on touche à la perfection (Ali le décortique très bien ICI) et, personnellement, cette transcendance s’est manifestée par un cerveau débranché, des pulsations cardiaques complètement cadencées et des yeux perpétuellement écarquillés. Pendant un spectacle, il est très rare que je parvienne à ne pas analyser et juste profiter ; c’est toute la force de cette pièce chorégraphique que l’on vit comme un tourbillon païen qui impressionne en faisant du bien.

Le débrief de ce festival personnel a été écrit dans un seul but : re-re-re-démontrer que la vie culturelle a repris son activité luxuriante et que La Réunion a une chance folle d’avoir autant de qualitatives propositions. À ceux qui continuent de se lamenter sur le manque d’évènements, et bien qu’ils aillent jeter un œil à notre agenda joufflu et s’ils ne sont pas convaincus, qu’ils aillent bien se faire cuire le cul.

Merci à l’I.A. de DreamStudio pour la photo de couverture.