MEURICE AVANT QU’IL ATTERRISSE

Inutile de présenter Guillaume Meurice mais quand même : sa chronique Le Moment Meurice est téléchargée près de 2 millions de fois chaque mois et sa notoriété aurait pu l’amener à écrire pour des magazines lucratifs. Que nenni! Gui-gui réserve sa plume pour Siné Mensuel avec ses complices Charline Vanhoenacker et François Morel. Autant dire que ce désintéressement atteint son acmé quand cet humoriste de conviction prend le temps de répondre aux questions de Bongou, ce hub culturel raffiné aux 812 abonnés.

Il reste deux places dans l’avion, tu choisis celle à côté de Nicolas Hublot ou l’autre près de la sortie de Zemmour ?

Je choisis celle la plus loin possible de tes jeux de mots qui feraient passer Cyril Hanouna pour Raymond Devos. J’irai donc entre Brad Cockpitt et Ali Talia.

C’est quoi ce délire dans les avions de dire les vérifications au décollage à haute voix ?

Aucune idée. Il parait qu’Antoine de Saint-Exupéry ne l’a pas fait avant son dernier vol. Aujourd’hui il a un aéroport international à son nom. Grosse classe.

Quand j’entends « PNC aux portes, armement des toboggans », je pense bizarrement à Gérard Collomb et toi ?

Moi je pense à Gérard Collomb uniquement quand j’ai mangé trop épicé.

T’es plutôt aérophage ou aérophobe ?

Aérophile ! J’aime le vent. Je crois que je pourrais vivre toute ma vie dans un discours de Benjamin Griveaux.

Qu’est-ce qui t’a motivé à venir au festival Komidi, à part les cachets mirobolants promis par l’organisation ?

Je voulais savoir ce que ça faisait de vivre sous les tropiques. D’être tout le temps humide, de me sentir moisir de l’intérieur et de me déplacer archi lentement. Bref, vivre le quotidien d’un sénateur.

Tu as plutôt l’habitude de jouer ton spectacle les week-ends quand tu n’es pas à l’antenne de France Inter : comment tu appréhendes cette « longue » tournée réunionnaise ?

J’ai grandi en Haute-Saône. Alors c’est pas vos araignées de deux mètres de large et vos maladies tropicales purulentes qui vont me faire flipper. La Haute-Saône, tu piges ? Tu as déjà vu une Golf GTI fuchsia avec une tête de Johnny qui clignote sur le capot ? Moi oui.

Un artiste engagé qui joue dans un festival militant comme Komidi c’est classique mais quel serait le lieu le plus improbable pour défendre tes propos?

Je pense que jouer devant « L’amicale des amis de BHL » me mettrait mal à l’aise. Surtout qu’il est le seul membre. Je suis certain que même son chat prépare des tartes à la crème en cachette.

D’ailleurs, sérieusement, j’ai rencontré une fille très drôle qui reconnaît politiquement avoir le cœur à gauche mais avoue être attirée par les voix de la sirène Élisabeth Lévy et se dit même zemmourisée, voire finkielkrautisée. T’as un traitement choc à me conseiller ?

C’est classique, ça s’appelle la dissonance cognitive. C’est le même principe que ceux qui disent aimer les animaux et qui mangent de la viande. Ceux qui se disent « de gauche » et votent LREM. Les mêmes qui soignent leur brûlure au chalumeau, leur gastro aux kebabs.

Un seul traitement : leur mettre le nez dans leurs contradictions comme on fait avec les petits chats quand ils font pipi partout.

Quels sont les écueils à éviter quand on passe de la chronique radiophonique à un one-man-show ?

Aucune idée, puisque j’ai précisément fait l’inverse. J’ai commencé par la scène pour ensuite faire ruisseler l’argent du contribuable dans ma poche sur France Inter.

Tu tournes ton spectacle « Que demande le peuple ? » depuis 2014. A-t-il évolué depuis sa création, en bien hein, pas comme le Parti Socialiste ?

Je ne me permettrais pas d’avis de me moquer du PS. Respect pour les morts. Petits anges partis trop tôt. On pense à v... Euh... On parlait de qui ? Oui ! Mon spectacle évolue, évidemment. Dès que Macron fait des conneries, j’actualise. Je ne suis pas loin du burn-out.

Y’a-t-il une part d’improvisation ou tout est réglé comme un discours de Macron ?

Il y a une grande part d’improvisation, bien évidemment. Mais moins que dans un discours de François Hollande.

Doit-on s’attendre à des clins d’œil, des piques en rapport avec l’actualité nationale, voire locale ?

Oui, bien sûr. J’ai déjà repéré un certain Thierry Robert que j’aime déjà aussi fort que lui aime le fisc-fucking.

À brûle-pourpoint, que connais-tu de notre île ?

Le Piton de la Fournaise. Même si je crois que c’est aussi le pseudonyme Tinder d’André Manoukian.

Quels sont les clichés sur la Réunion dans lesquels tu promets de ne pas t’engouffrer ?

Je sais que vous avez la réputation d’être des fainéants, alcooliques, voleurs, menteurs, sales, moches, vulgaires. Ça ne m’étonne pas. Vous êtes simplement des Français.

Excepté le député Thierry Robert, que peux-tu dire de l’humour réunionnais ?

J’ai bien aimé quand j’ai entendu que vous vous attaquiez aux requins. Je pensais que c’était une métaphore humoristique pour parler de la finance. Quand j’ai compris la réalité, ça ne m’a plus fait rire du tout. Je crois qu’un milliardaire fait plus de victime qu’un squale.

Honnêtement, y’a forcément de la jalousie entre les humoristes de France Inter : lâche-nous un petit ladilafé ! (ladilafé = ragot en créole, il a dit il a fait)

Honnêtement, je suis jaloux de Dominique Seux. Pour moi le meilleur ! Réussir à tenir aussi longtemps un discours sur le gaspillage d’argent public en étant payé par Radio France pour dire ça, c’est beau. Le tout en se faisant passer pour un économiste. Chapeau ! C’est le Andy Kaufman du CAC 40.

Par exemple, t’arriverais à dire du mal de Tanguy Pastureau ou Vincent Dedienne que je classe avec toi dans mon top 3 des humoristes du moment ?

Rien de plus facile. L’un fait du tapinage artistique chez Bolloré, et l’autre chez Bouygues. Si je n’étais pas contre la torture, je les condamnerais à trois mois de stage sur « Le Média » entre deux bols de taboulé et trois éditos de Gérard Miller.

Plus difficile, t’arriverais à dire quelque chose de bien sur Franck de Lapersonne, humoristiquement parlant ?

Je l’ai vu en première partie de Marine Le Pen, il ne manque pas de panache. Au poker, on appelle ça un « all in ». Si le FN passait, il devenait ministre de la culture. On a évité de justesse la rétrospective Goebbels à la cinémathèque, le récital de Jean Roucas dans la Cour du Palais des papes, et Robert Ménard en tutu à l’Opéra de Paris (bon là on a peut être loupé un truc). 

Ton pote Cosme a décodé le mystère du poème Voyelles de Rimbaud, quel secret aimerais-tu percer ?

J’aimerais comprendre comment des homos sapiens sont assez cons pour construire une grosse route dégueulasse aux énormes piliers bétonnés devant un sublime littoral. Je prends cet exemple tout à fait au hasard. Mais en règle générale, je ne comprends pas d’où viennent les pulsions humaines qui les font transformer le paradis où ils vivent en poubelle où ils crèvent.

Dernière question : C’est quoi ta définition du bon goût ?

Tout ce qui déplait à Laurent Wauquiez.