A SIMPLE PLACE : SIMPLEMENT LA CLASSE

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LEU TEMPO a 20 ans et voici LEU spectacle événement. Venus d'Adélaïde en Australie, ces sept acrobates catapultent l'art du porter acrobatique vers des étendues stratosphériques.

C'est ça la magie d'un festival : sortir assez déçu d'un spectacle d'acrobaties le mercredi, se faire marabouter par un mentaliste de génie et être définitivement réconcilié avec les portés le jeudi. L'art n'est pas dans l'opposition mais quel grand écart entre ces deux propositions corporelles. Sur le plan émotionnel, je peux clairement avancer que Speak-easy et son attirail visuel ne tient pas la comparaison avec A Simple Place et son dépouillement charnel. Côté scénographie, les aussies font dans le simple, basique : un tatami, le public très proche autour, des barres de lumière gérées par les performeurs et un musicien électro pour gérer le tempo.

Dès le début, on est justement scotchés par le rythme imposé, la variété des portés et la limpidité des mouvements millimétrés. La proximité du spectateur assis à deux pas de la zone de bravade permet de vivre les mêlées, de vibrer sur les envolées, de ressentir les respirations essoufflées et surtout de rester bouche bée devant cet engagement de tous les instants. Leu Tempo nous avait familiarisé avec des créations qui exploraient la notion de chute, de nouvelles zones de contact ou de corps maltraités mais jamais une performance ne les avait si parfaitement condensées et magnifiées.

L'enchaînement des tableaux est hyper bien pensé : les transitions prennent vie avec des défis, auxquels le public s'identifie surtout quand il en fait partie. Si chaque victoire est superfétatoire, la souffrance et la délivrance sont toujours bienveillantes et c'est l'empathie qui sort gagnante. Tous ces jeux renvoient le spectateur à son propre potentiel récréatif, trop souvent brimé par des règles sociétales prônant une sage austérité. Ces challenges explorent ce territoire d'innocence, ces passe-temps de l'enfance que ces athlètes réinventent inlassablement dans leurs entraînements pour les extrapoler dans un débordement exultant.

Dans le même temps, ces performances n'essaient pas de cacher les ratés, ces moments de rupture physique où le corps se met à chanceler ; les fêlures des athlètes nous révélant les psychologies des différents protagonistes qui s'épanouissent dans ce collectif joyeusement immersif.

Au final, cette expérience est profondément viscérale, jamais cérébrale et touche tous les publics : il était émouvant de voir les yeux écarquillés de notre audience, des gradins des tout-petits jusqu'au fauteuil roulant de cette charmante mamie.

Manzi