Pendant que le monde culturel pleure la fermeture des salles et sa morosité attenante, les structures de la Réunion continuent à accueillir les artistes, qui planchent sur leurs prochaines créations. Le confinement n’a pas tari toutes les sources ; pour preuve, le projet du chanteur et guitariste Mounawar et du batteur David N’Doye, en pleine répétition d’un objet musical intimiste et universel à Lespas. Quand un virus planétaire déchaine les démons intérieurs, les addictions invitent à l’introspection. Bongou t’emmène dans leur exploration.
Qu’est-ce qu’ « Addict », le nouveau bébé du duo Mounawar/ David N’Doye ? Sans doute un ovni sauvage né d’un duo musical brut : batterie, guitare, voix, en orbite dans la sphère intime des addictions : « Moi je ne le vois pas comme un concert normal », s’amuse le chanteur, affairé au dessus de sa guitare dont il change une corde, avant de répéter les premiers sets.
Pourquoi cette thématique ? Tout d’abord parce qu’elle est universelle : « Tout le monde est concerné par les addictions, d’ailleurs, elles ne sont pas toutes néfastes ! C’est ce qui nous relie, un élément qui parle à tout le monde, on a tous quelque chose qu’on ne peut pas contrôler. Et puis elles sont très variées, ça permet de créer une grande diversité rythmique, j’aime l’idée d’explorer une addiction par chanson, de lui trouver sa singularité musicale, de chanter en comorien et en français. »
Elle est aussi à la croisée de l’amitié entre les deux artistes, comme le confie David N’Doye : « Ça fait longtemps que j’ai envie d’un duo électro rock avec Mouna, et que je lui souffle le thème de l’addiction, d’abord parce que j’y suis sensible depuis longtemps, ensuite parce qu’évoquer ce sujet ne doit pas être tabou. »
Quand j’ajoute que c’est aussi une réflexion liée à la maturité, le chanteur confirme :
« Ça fait un moment que cette thématique m’intéresse. Peut être parce que j’ai 40 ans, alors je me pose des questions comme tout le monde sur les choses que je ne peux pas contrôler. Beaucoup renient leurs addictions, moi j’ai envie de les observer. »
Et pour ce faire, pas question de se reposer sur ses acquis. Au pays de l’introspection, l’inconfort doit être total : « Je n’ai pas envie de faire ce que je sais faire : on va pencher vers le rock électro, ce qui me sort de ma zone de confort. Je vais bien sûr continuer à utiliser les machines, les Wii, mais proposer un univers musical moins complexe, qui pourra toucher tout le monde. »
Avec son binôme et ami de longue date, le voyage s’annonce aussi stimulant qu’exigeant. D’abord parce que les textes ne sont pas encore écrits, et que les deux musiciens s’attellent à peaufiner la relation batterie guitare : « On est sur un terrain de découverte, confirme le batteur, le vrai défi, c’est de réussir à nous faire sonner à deux comme un groupe plein. Il faut synchroniser tout ça. »
Impression partagée par Mounawar, pour qui la difficulté repose sur la capacité à épurer : « Je n’ai jamais bossé en duo, c’est un peu risqué parce que c’est peu confortable d’avoir un vrai bassiste, on est nus, c’est exigeant, il faut imaginer aller au coeur de la musique, aller vers l’essence. »
La solution heureusement fait l’unanimité : « On va bosser à fond et explorer toutes les possibilités. Pour l’instant, c’est un labo, on fait germer des bactéries et on voit ce que ça nous amène. Un travail en incubation », plaisante Mounawar.
Mais surtout un concert prévu en 2022, pour échapper à toute pression et savourer la naissance de ce duo dont tu seras certainement accro.
Propos recueillis par Zerbinette, avec la précieuse collaboration de Lekip Lespas, et des artistes David N’doye et Mounawar.