Mardi 16 septembre, au Kabardock, Bongou a assisté à la représentation de Chromosomes, la première pièce jeune public de la fraîche compagnie Sentier des Songes. Et c’est un vieux spectateur sourcilleux qui va essayer de vous donner envie d’y aller sans hyperbole ni mensonge.
Quand je me déplace pour un spectacle jeune public, j’espère que la proposition va contenter les enfants (pas toujours très exigeants) ET les parents (qui espèrent ne pas trop perdre leur temps). Première mission réussie pour cette création qui a su faire réagir les mineurs et rire leurs géniteurs. Parfait pour une sortie ludique entre fils et génitrice.
Ensuite vient le propos qui annonce clairement les couleurs : lutter contre les stéréotypes de genre dans un arc-en-ciel de valeurs. Typiquement le sujet pouvant déboucher sur un prêche assommant car trop dogmatique. Ceux ou celles qui considèrent que cette thématique est anecdotique et qu’il y a des sujets plus importants sont des ultracrépidariens rasants, obnubilés par une hiérarchisation des luttes. D’un point de vue progressiste, cette jeune compagnie s’en sort haut les marionnettes en proposant des démonstrations ludiques et drôles qui évitent les écueils du « spectacle-leçon » pour privilégier le plaisir du théâtre.
Car de théâtre il est question. Avec une performance d’acteur qui dépote à mille à l’heure. Si Robin Ravine excelle dans le doublage des marionnettes manipulées, son jeu prend toute son ampleur et sa justesse drolatique quand il quitte ses pupitres pour interpeller les jeunes spectateurs et déambuler dans les rangs. Le ton est juste et les gestuelles impeccables. Gros coup de cœur pour son incarnation hilarante du super-héros « Super Super », parfait croisement entre GI Joe et Tibo Inshape. Sa performance bruitée de doom scrolling masculiniste est également un modèle du genre. Bravo pour cette masterclass de jeu marionnettique dans un écrin dramaturgique inventif.
Sur scène, trois pupitres incarnent les trois temps du spectacle qui nous plongent dans les sphères familiale, scolaire et extra-scolaire. Le premier épisode démarre à fond les ballons avec l’accouchement d’un homme enceint, rapidement suivi d’une parodie de Gender Reveal Party.
« Note de vieux boomer : Y’a vraiment des gens assez autocentrés pour imposer ce genre de célébration à une proche assemblée ? »
Rapidement, le théâtre d’objets est habilement utilisé pour dénoncer les clichés qui entourent le choix archi genré des jouets. Du reste, je suis convaincu que ce passage – délicieusement régressif – pourrait occasionner des interactions récréatives encore plus délirantes entre les babioles.
On ne s’ennuie pas un instant même si le deuxième temps dans la cour de l’école manque de punch avec une partie de foot qui mériterait de s’emballer. Cette sensation est sûrement due à l’utilisation de quilles, incarnant les joueurs, un peu statiques et visuellement tristounettes. D’autant que pour un vieux bigleux de mon espèce, j’ai trouvé que les pupitres étaient un peu trop éloignés des gradins et ce n’était pas toujours évident de différencier les deux personnages affublés de leur cartable vraiment très miniaturisé. Ce manque de proximité nuit quelque peu à l’immersion, caractéristique fondamentale du théâtre d’objets. Quitte à poursuivre dans ce paragraphe tatillon, j’avoue ne pas être complètement sous le charme de la marionnette principale, Nawel (et Sohan), dont l’esthétique rappelle un peu trop l’univers poétique du Théâtre des Alberts. Je comprends l’intention de cette neutralité physionomique mais elle n’est pas forcément raccord avec cet univers pop et espiègle..
Pour conclure, je dirais que Chromosomes est un spectacle anti-stéréotypes qui évite lui-même le cliché du théâtre moralisateur. C’est un pari réussi pour la jeune compagnie Sentier des Songes qui a choisi l’humour et un questionnement participatif pour aborder ce sujet.
N.B. Camarades enseignant.e.s du primaire, Bongou recommande ce spectacle pour vos élèves (la tranche 8-10 ans conseillée me paraît tout à fait pertinente) et je suis persuadé que vous sourirez notamment lors des passages cabotins de ce professeur ringardos. Surtout que trois petites capsules façon « C’est pas sorcier » complètent la narration et sont assez courtes pour ajouter des touches instructives. Bref, cette création coche toutes les cases pour recevoir la labellisation de l’Éducation Nationale.
PROCHAINES DATES:
24 oct. 2025 - Lespas (tout public à 20h00)
27 oct. 2025 - Lespas (scolaire à 13h30)
14 nov. 2025 - Le Séchoir (scolaire à 13h30) à L’Alambic
15 nov. 2025 - Le Séchoir (tout public à 10h30) à L’Alambic

