Dix ans. Dix ans que Victoire Magloire, dit Waro bouleverse les cœurs, réchauffe les zygomatiques et réveille les consciences. Et ce jeudi et vendredi, au Théâtre Sous les Arbres, c’est la der des ders pour la Konpani ibao. Après, rideau. Franchement, si vous ratez ce spectacle, vous passerez à côté d’un monument du théâtre réunionnais.
Je fais le malin mais ça fait des années que je veux voir cette pièce et que les aléas de mon agenda de sinistre cultureux m’avaient éloigné de cette proposition de théâtre populaire, exigeant, épuré, postcolonial, ludique, réunionnais et universel.
Mardi soir, enfin j’assistais à ce spectacle qui mérite amplement tous les adjectifs empilés ci-dessus. Habituellement, je déteste ce genre de formules pour qualifier une œuvre artistique mais je vais y aller de ma subjective déclamation : « c’est le meilleur spectacle réunionnais que j’ai pu voir en 15 ans de sorties culturelles ». Oui mais pourquoi ?
@ François-Louis Athénas
C’est une pièce épurée, pouvant jouer partout mais recelant de trouvailles visuelles et d’effets de mise en scène élaborés.
C’est un hommage à la langue réunionnaise tantôt burlesque tantôt tragique, transcendé par l’écriture de Barbara Robert et Sully Andoche. Le tableau final avec la traduction en créole du dormeur du Val d’Arthur Rimbaud prend aux tripes et mériterait d’être enseigné dans tous les collèges et lycées de l’île.
C’est un dispositif bi-frontal très pertinent : les deux acteurs tourbillonnent dans cette tranchée scénique à proximité du public, ce qui favorise les interactions et la communion.
C’est une performance de deux comédiens au sommet de leur art, empilant les personnages, variant les langages dans une cadence effrénée.
C’est du théâtre engagé d’où l’on ressort conscient et enjoué.
Bref, c’est la Réunion qui parle, qui rêve, qui saigne, qui rit, qui espère.
@ François-Louis Athénas
Jeudi. Vendredi. C’est tout ce qu’il vous reste. Deux soirées pour faire partie de l’histoire, pour applaudir un spectacle qui a fait l’unanimité aussi bien ici à La Réunion que dans l’Hexagone. Deux chances de voir le théâtre redevenir ce qu’il devrait toujours être : un miroir tendu, une bouffée de réel, un cri d’amour, d’humour et de révolte.
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